L'arrivée de Lysandre, sous un ciel parsemé de nuages rouges

Lysandre ouvrit les yeux puis, aveuglé par la lumière, les referma aussitôt. Après être resté inconscient pendant quelques heures ? Quelques minutes ? Plus ? Moins ? Il ne savait pas vraiment combien de temps mais cela ne changeait pas le fait principal... Donc, après avoir été inconscient et après avoir travaillé dans une grotte sombre sur une petite planète perdue au fin fond d’un coin perdu de l’espace - on passera ici sur cette expression -, ses yeux n’étaient plus habitués à la lumière naturelle si vive... Grotte sombre ?! Il ouvrit les yeux d’un coup. Tant pis pour la lumière, il y avait bien plus important : Il était où, là ?! A première vue, cet endroit n’avait rien à voir avec l’endroit om il était avec son évanouissement.

*Professeur Sûh ? Rigel ?* appela-t-il par télépathie.

Aucune réponse ne lui parvint, comme si ses interlocuteurs n’avaient même pas capté son appel... Il n’y avait rien d’autre que le silence... du moins si l’on excluait les bruits d’un véhicule motorisé qui... fonctionnait avait des roues ?! Du moins, si l’on en croyait le véhicule jaune qui venait de passer dans cet endroit à première vue désert. Mais il était où, là ? Procédant par élimination, il avait sur ce point quelques certitudes : il n’était pas dans la grotte qu’il explorait avec les deux scientifiques, il n’était pas sur Tehebos à son époque, il n’était pas sur Tehebos du futur. Il n’irait pas bien loin avec ça, il lui restait encore un nombre incalculable de mondes - sans compter les époques ! - à éliminer pour trouver celui où il était. C’était astronomique - sans mauvais jeu de mot - sans oublier le fait qu’il ne connaissait peut-être pas toutes les planètes existantes. La situation devenait vraiment inquiétante... Mais intéressante, surtout. Lui qui voulait de la nouveauté, ici il aurait pas mal de choses à découvrir, même si cette civilisation semblait archaïque, car il n’avait jamais été confronté à une telle vie... Mais cela n’expliquait pas comment il était arrivé ici.

Le jeune homme se redressa lentement - il n’allait pas rester allongé par terre quand même ! -, s’appuyant sur un coude, puis s’assura que tout allait bien. Dans un sens, tout allait à merveille - il n’avait rien de cassé, il n’avait pas ressenti de vertige en se redressant... -, à part la petite éraflure qu’il venait de se faire au coude. Dans un autre, il se trouvait dans une situation assez gênante... Cette éraflure n’aurait pas dû être, par exemple. Non pas qu’il ait des pouvoirs empêchant ce genre de blessures, mais il avait un habit à manches longes et une veste et une blouse de travail avant de se retrouver ici ainsi qu’un genre de casque. De même, il avait aussi une bonne paire de boots. On lui avait volé pendant qu’il était inconscient, sans doute, mais était-ce dans ce monde, dans la grotte, ailleurs ? Enfin, avant de se poser des questions, il valait bien poser clairement ses certitudes, pour mieux cerner le problème et l’éclairer de quelques détails. Ainsi, il pouvait conclure qu’à présent, il se retrouvait pieds nus, torse nu, tête nue. Encore heureux qu’il ait gardé son pantalon... Et sa montre ! Sa chère petite montre qu’il aimait tant ! Elle allait l’aider, elle.

Il la tendit en direction du soleil, la laissant ainsi se recharger et s’adapter au système de cette planète. Cela pris quelques instants pendant lesquels il se trouvait immobile, tête un peu baissée pour ne pas regarder le soleil et bras levé en tendant son poignet vers le soleil pour recharger sa montre. Puis il regarda l’heure qu’elle indiquait. Alors, alors...
13h. 34min. 28s.
Ca ne l’avançait pas tellement de savoir l’heure ; la date et surtout le lieu auraient été plus utiles. Toutefois cela lui apporta une certitude : sa montre était toujours fonctionnelle puisqu’elle s’était réglée comme il fallait. Et ça, ça lui faisait réellement du bien ! Il aimait beaucoup ce petit appareil, il y tenait sentimentalement, et en plus, aussi petit que ce soit, c’était très utile ! Elle faisait bien plus que donner l’heure, puisque ce n’était pas une simple montre, mais un rizzer... un rizzer modifié même... mais ce n’était pas le moment de s’étendre sur le sujet.

Lysandre soupira légèrement - un soupir ambigu, teinté à la fois de satisfaction que son rizzer fonctionne, de défaitisme face à l’immensité du problème, et d’une multitude d’autres sentiments - en regardant autour de lui. Les bâtiments semblaient aussi archaïques qu’à première vue. Des blocs de logements sans doute, massifs, imposants, lourds, rectangulaires, sombres et sales. Devant, quelques véhicules motorisés étaient arrêtés, immobile de chaque côté d’une voie, une rue sans aucun doute. Une ruelle, même, vu sa taille. Il n’y avait personne. Poussant son observation vers les hauteurs après avoir regardé au niveau des yeux, il regarda vers le sommet des bâtiments. Ceux-ci faisaient cinq-six étages. Sur certaines de fenêtres étaient collées des images de gros légumes de couleur orange, et sur quelques garde-fous, on pouvait voir des jardinières accrochées, dont l’eau dégoulinait sans doute sur les passants lorsque les propriétaires arrosaient les plantes. Enfin, vu qu’il n’y avait pas grand monde, ce n’était sans doute pas grave. Montant encore son regard plus haut, Lysandre observa le ciel. Il s’était habitué à la lumière. Il était clair et bleu, un soleil brillant à peine voilé par quelques petits nuages rouges. L’ensemble était assez harmonieux. Le Tehebossien aimait bien ! En plus, cela lui donnait quelques données supplémentaires pour éliminer des planètes de sa longue liste. Un seul soleil était visible, donc il pouvait éliminer les mondes où il y en avait davantage ; et les nuages étaient rouges donc cela lui donnait une information supplémentaire, même s’il n’avait jamais pensé à classer les mondes selon les couleurs de leur nuages. Il regarderait dans sa base de données...

A présent, il lui serait sans doute utile de trouver un autochtone et étant donné que cette rue était déserte et que Lysandre en avait déjà tiré des informations, il avança en direction d’une voie perpendiculaire. Il y avait beaucoup plus de passage. Les véhicules motorisés défilaient sur la route et, sur les côtés de celle-ci, quelques humanoïdes avançaient, espacés les uns des autres. Soit ils s’ignoraient, soit ils conversaient par la pensée sans trouver utile de se rapprocher les uns des autres... Deux ou trois lui lançaient des coups d’œil. Il devait attirer l’attention, les pieds nus, les cheveux sans doute mal coiffés et le torse sur lequel ne pendaient que deux colliers - l’un était une chaîne dorée avec un pendentif rond de la même couleur, l’autre étant une cordelette noire avec une dent comme pendentif -. Les voleurs qui lui avaient pris ses habits avaient peut-être été tentés de voler les bijoux, mais ils avaient dû se recevoir une belle décharge électrique en touchant la chaîne. Le métal de Tehebos était comme cela. Pour simplifier les choses, on peut dire que si Lysandre n’était pas touché par ces décharges c’était car il avait l’objet autour du cou.

Une jeune femme s’approcha de lui - elle voulait sans doute tourner pour emprunter la ruelle - et Lysandre sourit légèrement. Elle allait le renseigner, n’est-ce pas ?

*Bonjour !* lança-t-il joyeusement par télépathie à une jeune fille qui s’approchait.

Celle-ci écarquilla les yeux, manifestant ainsi sa surprise puis répondit, à voix haute un simple « Hééé ? » manifestant la profondeur de sa réflexion. A voix haute... C’était ainsi qu’ils communiquaient ici ? Etrange. Archaïque surtout. Mais... tellement fascinant ! Le jeune homme sourit, d’un large sourire ravi. Et l’humaine fuit après l’avoir regardé bizarrement. Lysandre soupira. Il s’y était mal pris sur ce coup là... A présent, il fallait quelqu’un d’autre.

Cible localisée ! Il avança et demanda d’une voix calme :

« Excusez-moi, pourriez-vous me dire où nous sommes ? »

Ca lui faisait bizarre de parler pour communiquer, mais il avait déjà connu ça dans certaines situations alors qu’il était en contact avec de peuples moins évolués, donc il pouvait communiquer de la sorte.

Lysandre était bien content que l’individu se soit arrêté sans fuir ! Et il l’était encore plus lorsqu’il lui répondit.

[Zio] « Bien... Nous sommes sur Terre... [...] »

Lysandre se retint de froncer les sourcils à cette réponse qui avait l’air tellement évidente pour l’inconnu... tellement évidente qu’il avait dû trouver la question troublante, vu sa réponse. Certes, pour un habitant de ce monde, le nom de son monde est évident, mais la question que Lysandre avait posée n’était pas portée sur le nom de la planète, mais c’était une question très large qui aurait put être interprétée par « comment se nomme la ville où nous sommes ? ». Si le monde était aussi peu avancé que le Tehebossien le pensait, c’était ce qu’un autochtone aurait dû penser. Ou alors, l’homme se trouvant en face de lui n’était pas originaire de ce monde... Non... Ce devait être autre chose. Mais quoi ? Reprenons...
L’inconnu avait immédiatement révélé qu’ils se trouvaient sur Terre. Pourquoi avait-il donné une telle réponse ? Etait-ce si évident que Lysandre cherchait à connaitre le nom de la planète où il se trouvait et non le nom de la ville ? Cette planète n’avait pourtant pas l’air d’être avancée technologiquement pour être une planète d’accueil de vaisseaux de divers horizons mais peut-être ce monde n’était-il pas si archaïque qu’il en avait l’air de prime abord. Peut-être la raison pour laquelle Lysandre n’avait pas vu d’infrastructures adaptées aux voyages spatiaux était tout simplement qu’il se trouvait actuellement dans une zone peu développée de la planète, dans un secteur habité par une minorité ethnique n’ayant pas atteint le même développement que le reste de la population... C’était une solution, peut-être pas la plus juste et elle n’expliquait pas comment il était arrivé ici, mais elle semblait pertinente, du moins pour le moment.
En tout cas, elle était très intéressante, car si cette planète était équipée pour les voyages spatiaux et l’accueil de non-terriens, Lysandre pourrait en apprendre davantage que si ce monde était aussi archaïque qu’il l’avait cru à première vue. Et si des Terriens... Etait-ce bien comme cela, d’ailleurs, que l’on appelait les habitants de la Terre ? Lysandre n’avait jamais entendu parler de cette planète. Il faudrait qu’il pense à prendre quelques notes pour les partager ensuite avec les autres Tehebossiens lorsqu’il les retrouverait. Pour le moment, il savait - ou du moins croyait savoir - que la Terre était une planète suffisamment avancée technologiquement pour permettre les voyages spatiaux mais qu’une partie de la population vivait encore dans un état archaïque, que le ciel était bleu et les nuages rouges, qu’il n’y avait qu’un soleil. Il ne pouvait porter de conclusions trop hâtives sur les gens qu’il avait croisés car il ne savait pas s’ils étaient des Terriens de la majorité, d’une minorité ou des non-Terriens. Mais on s’éloignait du sujet, là...
Si la Terre était si avancée que cela, les Terriens pourraient l’aider à rentrer chez lui ou du moins à savoir où il était par rapport à Tehebos. Si des Terriens ne pouvaient pas le renseigner sur ce qu’il avait besoin de savoir vis-à-vis de ce qui lui était arrivé et de sa planète - tout le monde ne connaissait pas forcément ce coin de l’univers, et Lysandre n’en aurait pas été vexé puisque lui-même n’avait jamais entendu parler de la Terre -, peut-être d’autres personnes, venant d’autres planètes, pourraient le renseigner. Ce serait formidable ! Il sentait un regain d’espoir et d’énergie traverser tout son corps.

[Zio] « [...] et euh... non, oubliez ça... C’était une blague, désolé. [...] »

Illusions brisées. Une blague, c’est censé être drôle, non ? Ou alors le vocabulaire est différent... pourtant, non, sa montre faisant office de traducteur vocal, elle aurait traduit par un mot adéquat... et pas un mot retrouvé dans les deux langues mais avec un sens différent. Toutefois, Lysandre sourit, d’un sourire amusé, légèrement en coin. Son travail d’enquête, d’observation, de recherche et son passé avec ses parents particuliers lui avaient appris à ne pas manifester sa déception, donc il parvenait assez facilement à sourire sans en avoir envie.
Puisque l’autre avait fait une blague, il devait sourire, non ? C’était le comportement normal qu’aurait eu quelqu’un d’ici, non ? Peut-être... en tout cas, c’était ce que Lysandre avait pensé et c’est pourquoi il avait eu cette réaction. Il n’avait plus qu’à espéré qu’elle fut la bonne !

[Zio] « [...] Nous sommes donc ici à Cardiff. »

Cardiff. Ce renseignement ne l’aidait pas plus que le nom de la planète. Bien au contraire, il l’aidait en fait moins. Déjà qu’il ne pouvait pas situer la Terre, comment pourrait-il situer un petit bout de la Terre ? Toutefois, il fit comme s’il avait eu l’information qu’il désirait, comme il avait su ce dont il avait besoin. Pourtant, il restait encore beaucoup de zones d’ombre !

« Je vous remercie. »

Il hésita.
Il avait encore beaucoup de questions à poser mais il ne savait pas trop par où commencer, ni comment les formuler. Il voulait savoir la date, mais connaitre la date pour cette planète ne l’aiderait pas s’il n’avait pas moyen de convertir avec son monde, de savoir s’il était dans son présent, dans son futur qui était devenu son présent, dans le futur de son futur, dans son passé qui était autrefois son présent, dans le passé de son passé, ou dans une période intermédiaire. Il se retint de soupirer, éliminant cette question pour le moment. Il fallait qu’il trouve autre chose de plus pertinent. Quelque chose ou...

« Puis-je me permettre d’abuser encore un moment de votre gentillesse et de votre patience ? »

Ses paroles avaient été sincères ; Lysandre trouvait vraiment que l’autre était patient et gentil et agissait sans ironie en lui demandant s’il pouvait encore lui demander de l’aide. Toutefois, il n’allait pas lui poser plein de questions comme il comptait le faire de prime abord. Ce pauvre homme en face de lui ne pourrait peut-être pas lui donner tous les renseignements dont il avait besoin. Il allait fallait qu’il se rende au Centre du Matriarcat de la région pour avoir les informations désirées. Là-bas, les femmes dirigeant le pays sauraient lui répondre.
Il allait demander à son interlocuteur de lui indiquer le chemin vers cette institution quand il se dit que, peut-être, ce monde n’était pas régi comme le sien. Il savait que tous les mondes n’étaient pas bâtis sur un système matriarcal ; plus encore, il était conscient que, même, rares étaient ceux qui l’étaient. Il devait donc ici trouver des mots neutres, des termes qui ne prêteraient pas à confusion ou du moins qui ne laisseraient pas présumer qu’il était ce qu’il était (à savoir un pauvre gars débarqué à l’instant dans un monde inconnu !) Surtout si - comme Lysandre l’avait deviné en interprétant la blague de son interlocuteur - ce monde n’avait pas l’habitude de recevoir de visite de gens d’autres planètes...

« Pourriez-vous m’indiquer le chemin pour me rendre au... centre de l’autorité de Cardiff s’il vous plait ? »

Il n’avait pas trouvé plus neutre. Il avait même poussé la neutralité en reprenant le nom propre utilisé par l’homme en face de lui. En effet, il ne savait pas si Cardiff était le nom du pays, de la région, du domaine, de la ville, ou d’un quelconque autre groupement urbain... Donc, pour ne pas faire d’erreur, il avait juste mis ce nom, sans préciser. L’homme comprendrait ce qu’il voudrait comprendre, et logiquement, il comprendrait ce qu’il était logique de comprendre.
Restait à espérer, pour Lysandre, qu’il avait trouvé les termes tout à fait adaptés ou, à défait que ses fautes de langage passeraient pour celles de quelqu’un un peu marginalisé par rapport à la société ou issu d’une minorité par exemple. Il adressa un léger sourire au jeune homme en face de lui, attendant sa réponse. Il n’y avait plus que ça à faire, après tout, puisque la question était posées...


[HJ : même si mon perso’ te demande de lui indiquer une route, ça ne veut pas dire que je veux couper la conversation, hein !!]

L’homme en face de lui était charmant. Véritablement gentil et serviable. Il acceptait d’aider un parfait inconnu, quitte, visiblement, à passer beaucoup de temps pour cela. C’était une qualité que le Tehebossien appréciait sincèrement. Lysandre sourit. Tous les Terriens étaient-ils comme cela ? Si c’était le cas, ce monde devait être merveilleux, malgré son apparente faible avancée technologique. Un monde où il ferait bon vivre. Tant mieux, dans un sens, puisque pour le moment, l’extra-terrestre n’avait aucune façon de retourner dans son monde d’origine. Toutefois, qu’est-ce qui pouvait pousser les humains à être si généreux ? Peut-être la Terre était-elle une terre d’accueil et que, par conséquent cette mentalité d’ouverture aux autres était innée ; mais cette idée passa aussitôt au second plan, car visiblement la Terre n’était pas une planète avancée pour les voyages spatiaux. Peut-être tous les terriens étaient-ils prêt à aider leur prochain, de manière innée, mais dans ce cas, Lysandre ne voyait pas d’explication plus développée... Mais si c’était le cas, si tous les terriens étaient des êtres profondément serviables, pourquoi, la jeune femme à qui il avait demandé de l’aide avait-elle réagi comme elle l’avait fait, quelques minutes plus tôt ? Sans doute la surprise d’entendre quelqu’un parler dans sa tête, si elle n’était pas habituée à la pratique de la télépathie. Ce n’était pas un bon contre-exemple de la gentillesse de Terriens. Toutefois, il ne fallait pas étendre un constat individuel sur une population toute entière, aussi Lysandre préféra ne pas s’appesantir sur cette question, concluant simplement que l’homme en face de lui était serviable et que c’était très agréable. Il y avait bien plus important pour le moment que de savoir si ce trait de caractère était commun à tous les Terriens. La recherches anthropologique, tout aussi intéressante fut-elle passait au second plan dans une telle situation. Il lui fallait trouver le centre de l’autorité de Cardiff.

À en juger par son expression, l’inconnu semblait désolé de ne pas pouvoir aider beaucoup Lysandre sur ce point. Pendant un bref instant, le Tehebossien se demanda si le terme de « centre » dans l’expression « centre de l’autorité » était peut-être inapproprié dans une telle situation. Peut-être les étrangers - ou les hommes - étaient-ils refusés à l’entrée du bâtiment principal - le « centre » - de l’autorité, comme c’était le cas sur sa planète, régie par les femmes. Lysandre, connaissant pourtant ces coutumes vues qu’elles étaient intégrées à sa culture, avait pourtant choisi le terme de « centre » pour sa neutralité. On lui aurait posé cette question, chez lui, il aurait redirigé le visiteur vers le bâtiment où l’on s’occupait des affaires courantes, accessibles à tous. Ce n’était pas le véritable « centre » de l’autorité puisque toutes les décisions n’y étaient as prises, mais c’était le bâtiment principal où étaient gérées les affaires du public, donc pour quelqu’un qui n’était pas proche du pouvoir c’était le centre de l’autorité car c’étaient là qu’étaient réglées les affaires le concernant. Lysandre se mordit presque imperceptiblement l’intérieur de la lèvre inférieure, sur le côté gauche. Venait-il de faire une grosse gaffe ?
Visiblement non, car l’autre ajouta - pour expliquer le fait qu’il ne pourrait pas apporte beaucoup d’aide - qu’il venait d’arriver à Cardiff. Un touriste ou un immigrant ? Là n’était pas la question, il était un nouveau venu et ne connaissait pas la ville en détails. Lysandre adressa un léger signe de tête à son interlocuteur pour lui signifier qu’il avait enregistré l’information et qu’il acceptait cette réponse, tout en l’écoutant continuer de parler.
Le Terrien - du moins à ce que croyait Lysandre - demanda au Tehebossien s’il était d’ici. De la ville voulait-il dire ? C’était ce qui aurait pu se comprendre aisément, s’il pensait que le garçon torse nu était un humain, comme il aurait été logique de le penser pour un habitant d’un monde un peu archaïque. Toutefois cette question aurait été étrange, car quelqu’un de la ville n’aurait pas demandé de l’aide à un étranger - ou du moins un inconnu - pour trouver le centre de l’autorité de sa ville, si ? A moins que ce soit un lieu migrant de jour en jour comme c’était le cas sur certaines planètes... Il devait sans doute vouloir dire davantage...
Le Terrien se reprit en parlant du style vestimentaire de Lysandre. Qu’est-ce que ça venait faire là-dedans ? Y avait-il une loi quelconque, sur Terre, interdisant aux humains de se balader torse nu ou pieds nus ? Ou alors par là l’autre essayait-il de lui demander s’il venait d’ailleurs, et que cet ailleurs était bien plus éloigné qu’une ville voisine ? Ce monde était-il au courant de l’existence d’autres peuples sur d’autres planètes, même s’ils n’avaient visiblement pas la technologie de se rendre dans d’autres mondes ? Lysandre commençait à s’embrouiller un peu, il ne savait plus où il en était de ses informations sur ce monde inconnu. Sans doute parce que la situation était différente d’une simple étude anthropologique car son avenir était en jeu, autrement que d’un point de vue scolaire.

[Zio] « Pardon de ma curiosité mais on dirait que l'ont vous a volé... J'aimerai vous aider... »

Ah, alors c’était donc ça ! Juste ça ! C’était rassurant, dans un sens. Le Téhébossien adressa un sourire calme à celui qu’il croyait être un Terrien, décidant d’arrêter de se poser trop de questions.

« Vous êtes fort aimable de me proposer votre aide et je l’accepte volontiers. »

Oh oui, il l’acceptait, son aide ! Elle lui serait d’un très grand secours, pour apprendre comment se comporter dans ce monde ! Quoi de mieux que de suivre l’exemple d’un autochtone pour avoir l’air naturel ? Lysandre sourit au Terrien et lui expliqua la raison de sa tenue qui n’était visiblement pas tout à fait de saison - si tant est qu’il y ait des saisons sur la Terre - ou du moins qui était peu similaire à celles des habitants de cette planète qui, eux, étaient plus couverts.

« Pour vous répondre, eh bien, visiblement, oui, je me suis fait subtiliser mes affaires... Tout ce que je sais c’est que j’étais nettement plus équipé avant de revenir à moi dans cette petite rue... Je pensais me rendre au centre de l’autorité afin de leur exposer mon cas... »

Il évita de donner trop de détails. Des précisions n’étaient non seulement pas utiles dans une telles situation - l’autre se fichait sans doute de connaitre la couleur des chaussures et du haut, par exemple - et en plus, elles auraient pu attirer l’attention ! En effet, Lysandre ne connaissait pas encore bien le type d’équipement qu’un terrien pouvait avoir aussi préférait-il ne pas faire de gaffe en se trahissant en disant qu’il possédait quelque chose qu’un terrien n’avait pas.
Cette réflexion en amena une autre en lui. Qui lui avait volé ses habits ? Un Terrien ou quelqu’un de l’autre monde, qu’il avait dû quitter brutalement ? Dans le premier cas, ce serait peut-être plus simple de récupérer ses affaires, mais ce serait également plus embêtant : si la Terre n’était pas assez évoluée, comment ses habitants réagiraient-ils face à des éléments inconnus comme ceux que Lysandre avait sur lui, avant son réveil ? Dans le second cas, cela serait carrément impossible de récupérer ses affaires - autant en faire le deuil tout de suite - mais sans doute serait-ce moins dangereux sur le long terme... Ce serait un mystère à résoudre plus tard. Une seule chose était sure, dans un cas comme dans l’autre, il se retrouvait peu vêtu et peu armé dans un monde totalement inconnu. Heureusement que l’homme en face de lui était là !
Nouveau sourire.

Alors qu’ils parlaient, les nuages rouges s’étaient rapprochés. Lysandre n’était nullement inquiet par leur présence, vu qu’il pensait que c’était quelque chose de naturel sur cette planète ; toutefois, les commentaires et les réactions de quelques personnes attirèrent son attention. Des enfants faisaient part de leur incompréhension aux adultes référents - parents ? - à leurs côtés. Mais il n’y avait sans doute pas de raison de s’inquiéter. Peut-être étaient-ils eux aussi des... touristes, volontaires ou non. Peut-être les nuages n’étaient-ils rouge que dans une partie du monde. Ce serait un phénomène très intéressant mais son étude serait pour plus tard.

Lysandre hésitait à se présenter. Pour lui, il aurait été normal de le faire, mais les méthodes de présentation n’étaient peut-être pas les mêmes ici et chez lui. Elles variaient tellement d’un monde à l’autre, et même des fois d’une ville à l’autre qu’il ne savait pas ce qui était en vigueur ici. Un salut, une poignée de main, une bise, autre chose ? Aussi il préféra ne rien faire, attendant que l’autre commence les présentations. Ensuite, il aviserait, répondant comme il estimerait que ce serait le plus adéquat. Ce serait tout de même nettement plus simple. En plus, si ça se trouvait, dans ce monde, il n’y avait pas besoin de se présenter oralement, ou alors pas à la première rencontre... rien n’aurait vraiment étonné Lysandre, perdu dans un monde totalement inconnu pour lui.

Le Terrien sembla être du même avis que Lysandre à propos de la présentation. En effet, visiblement, pour l’un comme pour l’autre, l’heure était venue de dévoiler son identité à son interlocuteur. Devrait-il donner son prénom simplement ? Ou accompagné de son nom ? De son métier ou de sa fonction ? De sa région d’origine ?

Le Tehebossien adressa un sourire calme au Terrien présumé, alors que celui-ci se présentait. Zio Jeffrey... Nom original, du moins inusité sur Tehebos. Il était peut-être courant dans ce monde... Lysandre devrait-il donner un faux nom, pour éviter des remarques ? Il faudrait qu’il invente un prénom du style de « Zio », peut-être, mais c’était contre ses principes... et en plus, Lysandre ne connaissait pas vraiment cette planète - pas du tout même - donc il aurait pu faire une erreur en inventant un prénom absurde.

« Enchanté de faire votre connaissance, je me nomme Lysandre Xénophon, et je vous remercie sincèrement pour l’aide que vous m’apportez. »

Il adressa un sourire à son interlocuteur mais, toutefois, ne s’inclina pas comme il l’aurait fait chez lui. Les coutumes semblaient différentes.

Les coutumes vestimentaires également... A croire que les Terriens n’avaient pas vraiment d’unité de style vestimentaire. Un individu passa, recouvert d’un drap muni de deux trous pour les yeux. Tenue étrange et peu pratique... Et rien à voir avec la femme féline en tenue moulante, par exemple. Lysandre commençait à présent à douter de ce qu’il avait conclus sur ce monde. Les différences vestimentaires venaient peut-être d’apports d’autres planètes. Rah, il fallait qu’il arrête de remettre ses hypothèses en question ! Pour le moment, il y avait bien plus urgent, et Zio lui rappela les priorités en lui disant qu’il devrait aller dans une certaine boutique pour prendre des habits.

« Bien... »

Une réponse courte suffisait largement pour donner son accord, surtout qu’il suivait de Terrien vers la boutique. Même s’il aurait dû se donner d’autres priorités, il ressentait une terrible envie d’avoir dès maintenant des nouveaux habits. Cela était probablement dû au fait qu’avec de nouveaux habits, il pourrait mieux se glisser dans la population...

Il entra donc dans la boutique en compagnie du Terrien et son attention fut aussitôt attirée par des habits visiblement assez simples mais étrangement fort intéressants. Une chemise blanche, un bas kaki... le tout formait un ensemble pratique et étrangement Lysandre avait hâte de le mettre ! En plus, c’était gratuit. C’était sans aucun doute pour cela que Zio l’avait conduit dans ce magasin... à moins que tous les habits soient gratuits dans ce monde... mais dans ce cas, pourquoi aurait-ce été précisé sur la vitrine ? La Terre est vraiment un monde bizarre !

Vendeur : « Ceci vous plait ? Vous pouvez aller l’essayer. »

Le Tehebossien se rendit donc dans une cabine d’essayage, sous l’invitation du vendeur. Il enfila le haut, changea le bas, mit les étranges chaussures et le collier... Puis il retira ses colliers et les glissa dans la poche du pantalon qu’il avait retiré. Ils n’allaient pas avec le style de la tenue. Sa coiffure n’allait pas vraiment non plus. Il passa ses doigts dans ses cheveux pour leur donner une forme plus adaptée et mit les écouteurs sur sa tête. Il fut aussitôt satisfait du résultat. C’était comme si cette tenue était faite pour lui ! Etrange, non ?
Visiblement, ce n’était pas ça qui dérangeait le plus l’extraterrestre, qui, une fois vêtu, ressortit de la cabine d’essayage. Le vendeur était devant, une pochette en plastique à la main.

Vendeur : « Tenez, pour mettre vos vêtements. Ce sera plus pratique que de les tenir à la main... »

Lysandre sourit - d’un sourire involontairement charmeur - et mit son pantalon dans le sac en plastique que le vendeur maintenait ouvert. Puis le vendeur lui donna le sac. C’était vrai que c’était beaucoup plus pratique comme ça !

« Merci bien »

Le vendeur sourit et se dirigea vers d’autres clients, alors que Lysandre retournait auprès de Zio.

Lysandre se demandait un peu où était Zio, mais en même temps, il se disait qu’il devait sans doute être en train d’essayer un costume. Après tout, il avait bien le droit d’en profiter, lui aussi, même s’ils étaient surtout venus ici pour que Lysandre puisse se procurer des habits, et ainsi à ne pas avoir à se balader torse et pieds nus dans les rues de Cardiff ; même si, à son avis, cela n’aurait pas particulièrement choqué les gens, vu certaines tenues... Mais Lysandre préférait ne rien dire, car après tout, peut-être que les habits qu’il trouvait étranges étaient des costumes traditionnels ou des habits courants dans ce monde qu’il ne connaissait pas !
Lysandre était vêtu de son nouveau costume, attendant patiemment que Zio arrive. Tout ne tournait pas autour du Tehebossien, il pouvait se permettre d’attendre son guide si celui-ci avait quelque chose à faire ! Après tout, ce n’était pas comme si Lysandre était pressé par le temps, vu qu’il ne savait même pas s’il pourrait rentrer chez lui ! Il n’était pas à une minute près. Bon, c’est sur, il s’en voudrait si, après avoir flâné, il ratait une navette de quelques minutes... mais il doutait fortement que ce soit le cas. La Terre ne semblait pas en posséder.
Attendant son compagnon présumé Terrien, Lysandre regardait quelques habits et accessoires. Tous étaient visiblement très bien faits, mais aucun n’inspirait Lysandre autant que celui qu’il avait mis ! Celui-ci avait l’air tellement fait pour lui : c’était génial ! Impressionnant !

Soudain, alors qu’il levait les yeux d’un pantalon blanc, Lysandre écarquilla les yeux en voyant au loin une... grosse armure qui s’avançait vers lui.

« ... Désolé d'avoir été long, je suis tombé sur quelque chose de assez spécial... »

Spécial, en effet, mais c’était impressionnant comme truc ! Enfin, si on pouvait vraiment appeler ça « truc ». C’était quelque chose d’à la fois archaïque et extrêmement moderne. Lysandre n’aurait pas su le définir autrement qu’en cette dichotomie.

« Spécial mais très intéressant ! »

Lysandre sourit. Oui, fascinant, même. Lysandre aimerait bien, à l’occasion, l’étudier. Pas maintenant, non plus, hein ! De toute façon, il n’avait pas trop la possibilité de s’attarder sur ce point, à cause des mouvements de foules. Les entrées et les sorties du magasin s’enchainaient à un rythme effréné ! C’était à croire que toute la planète cherchait à se rendre dans cette boutique ! Lysandre avait toutes les peines du monde à ne pas se faire entrainer par le courant, par le flux mouvant d’êtres humains se dirigeant vers l’intérieur ou l’extérieur du magasin. Zio n’avait pas toutes ses difficultés, lui, comme si son armure le fixait au sol ! Cela devait être pratique.

« ... Je propose de sortir d'ici ! »

C’était en effet sans aucun doute la meilleure chose à faire, car après tout, ils avaient fini de faire ce qu’ils avaient prévu de faire dans cette boutique (se procurer des habits) et il y avait tant de monde que ça en devenait invivable ! En plus, Lysandre n’aimait pas tellement la foule, surtout quand il était ballotté de droite à gauche par les mouvements contraires, compressé contre des corps ou repoussé vers d’autres. C’est pourquoi il accueillit la proposition de Zio avec plaisir. D’ailleurs, même si Zio ne l’avait pas proposé, Lysandre serait quand même sorti !

« En effet, ce serait une excellente idée ! »

Lysandre suivit donc Zio vers la porte, puis sortit quand il lui ouvrit le passage. Il voulait remercier le Terrien car il était réellement ravi d’avoir pu trouver cette boutique et d’avoir pu se procurer ces habits surtout sans rien avoir à payer ! Il aurait été bien en peine de fournir de l’argent au vendeur. La monnaie devait être différente chez lui et ici ! Et Lysandre ne se serait pas vu de demander à Zio de l’aider financièrement ! Déjà que ce gentil Terrien l’aidait énormément en lui accordant de son temps et de sa patience... Même si Zio n’avait pas l’air de trouver que c’était une contrainte, c’était vraiment gentil de sa part !

« Merci de m’av... »

Il ne put terminer sa phrase, à savoir « Merci de m’avoir indiqué cette boutique » car ce qu’il vit le sidéra. Zio venait de mettre le casque, jusque là rien d’extraordinaire, sans doute préférait-il le porter comme ça pour ne pas s’encombrer... mais maintenant, il commençait à décoller ! Le Tehebossien écarquilla légèrement les yeux, ne s’attendant pas du tout à ça. Pendant un instant, il resta figé, à fixer l’armure décoller, s’élever lentement dans les airs. Les Terriens avaient déjà cette technologie ?! Cela remettait en cause tout ce que pensant déjà Lysandre ! Et l’armure perdait son côté archaïque pour rester une magnifique pièce de technologie.

Zio tendait la main vers Lysandre, comme s’il voulait que le Tehebossien l’aide à rester à terre ou plus probablement, l’entrainer avec lui. Pourquoi un humain maîtrisant une telle technologie aurait-il eu besoin de l’aide de quelqu’un d’autre pour contrôler sa machine ? Sans réfléchir, Lysandre saisit la main. Il n’avait pas l’intention de se séparer de son charmant guide et de laisser partir une telle occasion d’en apprendre davantage sur la Terre !